textes de Patrick MORIN - Philippe SERGEANT


Patrick MORIN

 

 

 

Randonnée:de randon, impétuosité, rapidité

Au premier sens: circuit que fait la bête autour de l'endroit où elle a été lancée par le chasseur

Puis: course longue et ininterrompue

Rien n'est plus à proprement parler quelconque que de marcher à la surface de la terre

La privation de liberté, soit l'emprisonnement, est tout d'abord une perte du marcher à son gré

Marcher: du francique markôn, marquer, imprimer le pas

L'homme a fait ses premiers pas sur la lune

"Le jalonnement des sentiers consiste en marques de peinture sur les rochers, les arbres, les murs, les poteaux."

En pas que, voulait dire, aussitôt que, il y a dix siècles

Larche,1675 mètres, au confluent du torrent de la Rouchouze et de l'Ubayette

En pas que partis, chercher la première marque

Marque:: son verbe tient de l'ancien normand merki, à moins que ce ne soit de l'allemand merken, éclairage néant, mais du côté des équivalents, empreinte et signe nous sont concédés

Première rencontre: des lascars de l'IGN en pleine histoire de marques sur la frontière d'une France avec une Italie

La marche des événements a pris racine dans le pas du néandertalien qui prenait le pas sur celui des anciens; et elle est si vaporeuse

Soulignement minuscule d'un corps au sol que de marcher et puis plus rien

"Le sentier suit la rive gauche de l'Ubayette en remontant le vallon du Lauzannier."

Et puis plus rien qu'une nature toute indiquée, ô Mercantour et tes doux dérèglements!

Randonnée que le temps à ne rien faire d'autre que passer d'un obscur lieu du sol au fait pur de franchir un col, n'être en précision qu'à la mesure de ses pieds dont il faut encore à chaque instant se démarquer

Arrêt soif, arrêt pipi, arrêt trempette, marche dans les pierres, entre lourds rochers, un jeune torrent à gauche, suivre les marques et il sera à droite, ça raidillonne sec, au prochain bloc sombre,paru sous la visière, faudra..., non, maintenant, sur peu d'herbe, trop d'horizon, en cette fin de matinée comme en fin de matière, soleil tenant

   

 

Philippe SERGEANT

Les nains aussi ont été géants.

Les sibylles ont toujours été en raison de leur ignorance païenne des voyantes d’un degré limité. Il en est deux de toute beauté qui, par la grâce du grand Malin, ont été immortalisées sous le pinceau de Michelangelo; celle de Delphes et la Libyque. L’une et l’autre, dans un geste très retiré d’inquiétude et de renoncement, se détournent du livre sacré. La première, visiblement, ne veut pas percer certains secrets. La seconde, par un long déhanchement, s’apprête à refermer, au beau milieu de l’éternité, le livre de la Sagesse.Dieu du cul, délivre-nous de l’anamnèse! semble leur faire prononcer, par pure charité chrétienne le divin Michel-Ange.Les lèvres tremblent.La parole passe.Et la voûte se peint.A quoi pensaient ces vièrges? Le saurons-nous jamais? Saurons-nous jamais ce que les sibylles ont retenu de cette histoire d’hommes à l’usage des hommes dont le premier, le plus beau, le plus bête, fut Adam? Adam, Adam, pourquoi as-tu un nombril? Telle est la question lancinante qui hantait Jules II, guerrier et grand bailleur de fonds,un 10 Mai 1508,quand il avait commandité l’écorché vif.Question qui résonne éternellement sous la voûte depuis la création de l’univers.Heureusement Copernic vint à la rescousse. La terre, dit-il haut et fort, n’est pas le nombril du monde. Adam avait chassé Dieu et la terre était placée, désormais, sur orbite. Cependant, toute cette histoire déplaisait à un petit nombre de personnes, au nombre desquelles un roitelet charmant, petit, petit,petit pour faire rire les grandes personnes sonnent sonnent,dont nous aurons à parler.Grâce à Brunelleschi, ce petit nombre de personnes disposait d’un outil formidable;la perspective.Michel-Ange savait bien qu’en lisant l’Ancien Testament avec une lunette d’astronome athlétique, il découvrirait un petit bonhomme royal,David. Par la perspective de Brunelleschi, il pouvait l’agrandir.David!le point le plus concentré de l’univers,le lilliputien, le saint des nains.Avec sa fronde, il inventait la Loi.La loi de la gravitation par laquelle le peuple hébreux allait détrôner l’odieux Goliath,garant philistin de toutes les injustices.(Déjà Einstein était né;le grand sera petit et le petit sera grand ou bien le grand ne sera pas grand et le petit ne sera pas petit.) David,heureux comme un pape, réunissait autour de sa fronde qui dessinait dans l’air une sorte de circonférence, la minorité des minorités;le peuple élu.Tous les nains le savent bien.Et c’est pourquoi, pour notre plus grand bonheur, ils aiment,à Florence,rester à l’ombre de leur patron qu’ils vénèrent comme Hercule.

Florence, Italie, 1971

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