LE BATTEMENT D'AILES D'UN PAPILLON

d'ALEXANDRE BALAGURA

2008 - 62’

PRODUCTION: G.I.E.MEICHLER, PARIS

CO-PRODUCTION: INSPIRATION FILMS, KIEV, UKRAINE

avec la contribution financière du CNC.

 

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RESUME 

 

UN BATTEMENT D’AILES DE PAPILLON

Film sur un film inachevé

Auteur et réalisateur : Alexandre Balagura

A partir des archives 8mm et Super 8
de l’auteur et de ses copains.

 

« Trois papillons… Soudain deux papillons…
et personne n’a vu comment disparaissent les âmes…. »
V. Karabut

 

 

Les images (30 mètres de pellicule noir et blanc 16mm « Svema») que nous verrons au début du film remontent au début des années quatre-vingts (du siècle désormais passé)… Dans le Podol (un quartier de l’ancienne Kiev), à côté du marché, il y avait une église… Elle était ancienne et comme beaucoup d’entre elles à cette époque, elle ne fonctionnait pas mais elle avait le titre de « Monument de l’Histoire et de la Culture protégé par l’Etat »… Entourée par un enclos en bois vert, elle était en restauration… La fissure qui lézardait la coupole n’avait ému personne, au point qu’un échafaudage fut construit pour que les ouvriers y travaillent — sous cette coupole… Un jour, à la pause déjeuner, quand il n’y avait personne dans l’église, la coupole s’est écroulée… Evidemment, personne n’a été blessé… Les fresques étaient très belles…
Quelques jours seulement avant cet événement, avec l’argent donné par ma mère, j’avais pu acheter un caméra 16mm « Krasnogork-3 » et une visionneuse mécanique… Les premiers trente mètres de pellicule ont été tournés dans la cour de l’église…Il y avait là une jeune fille, probablement une étudiante en peinture de l’université, elle était en train de dessiner les ruines… C’est pourquoi la pellicule a gardé la trace d’une jeune fille et ses peintures.
Je ne sais rien de cette fille, je ne sais pas comment se passe sa vie… Le copain avec qui on a filmé ce jour-là est maintenant le directeur d’une grosse banque… La caméra et la visionneuse sont été volés en 1998 à Rimini, en Italie… Moi, maintenant je vis dans une ville citée par Dante Alighieri (Divine Comédie, Enfer, Chant 28°), « Tagliacozzo », et j’essaie d’écrire ces lignes, en me trompant constamment entre les deux claviers, le latin et le cyrillique…
A cette heure…
Donc… Donc, il était encore vivant l’auteur de l’épigraphe, le poète et vagabond, Vladimir Karabut… Un café coûtait 28 pièces et de quelque façon que ce soit, nous étions tous encore vivants… C’était l’époque des 28 pièces.
Nous étions fascinés par le cinématographe, et quand la caméra est arrivée, naturellement nous avons commencé à filmer… Je ne crois pas que nous étions toujours conscients de ce que nous étions en train de filmer et de pourquoi nous le faisions… Tout simplement nous avions la caméra dans les mains…
Nous ne filmâmes pas « anniversaire, pique-nique, mariage »… Nous filmâmes le « cinéma »…
Au cinéma, nous y allons pratiquement tous les jours… et quand on avait la caméra dans les mains, c’était comme la suite du spectacle, comme une nouvelle visite au cinéma… Il me semble qu’ainsi, à travers le « viseur », il nous été donné la possibilité « d’observer » les fragments d’un film (peut-être celui-ci), un film qu’à l’époque, il n’était pas encore possible de voir entièrement, mais pour lequel les billets avaient déjà été imprimés…
Moi, je crois qu’un « un battement d’ailes de papillon en Californie », vraiment, « peut provoquer un tremblement de terre au Japon »… Moi, je sais qu’au moment où la caméra commence à tourner, une nouvelle réalité voit le jour… Et cette « nouvelle réalité » n’est pas fortuite comme ne l’est pas ce « battement d’ailes de papillon »… ou n’importe quel « battement d’ailes »… Et comme n’est pas fortuit notre témoignage sur ce « battement d’ailes »… La question, c’est de comprendre de quoi (de quoi en réalité) nous sommes témoins…
            Loin de moi la pensée de résoudre cette question complètement… Et de toutes manières, je ne crois pas, que cela, soit, en fin de comptes, possible… Ou peut-être, justement, «  à la fin des comptes »…
Tout simplement, j’ai 43 ans, je suis un cinéaste et j’aime encore le cinéma… Pendant les vingt dernières années, moi, mes amis, ma génération, mon Pays, avons connu des événements précis et des changements radicaux… Par exemple, mon pays a disparu, suicidé comme mon plus cher ami… Quelqu'un est parti contre sa volonté… Un autre vit en Amérique, France, Italie, Israël et Dieu sait encore où… L’un est devenu banquier, avocat, photographe, peintre, journaliste, artiste, acteur, archéologue, il y en a qui travaillent à la télé, il y en a qui cherchent quelque chose ou désormais plus rien… Evidemment, il y a les souvenirs en commun qui nous lient. Et aussi que nous tous, ou presque tous, nous regardions à travers le « viseur » de la caméra offerte par ma mère, et nous avons été filmés sur un fond mystérieux ; un visage, à un coin de rue impossible à reconnaître aujourd’hui,  avec pour décor le désormais méconnaissable Pays, sur les 1500 mètres d’une pellicule 16mm « Svema »… Nous tous, ou presque tous, avons « vu » les fragments du film (peut-être est celui-ci ?…) qu’à cette époque, il n’était pas possible de voir entièrement…
J’ai 43 ans, je suis un cinéaste et je crois vraiment qu’ « un battement d’ailes de papillon » a toujours une signification cachée… Comme ces 1500 mètres de pellicule, qui ne me laissent pas tranquille. Sûrement, on peut y voir maintenant quelque chose qu’il n’était pas possible de voir au moment où l’on a tourné… Sûrement, il y avait, et il y a encore, les signes de ce qui s’est passé avec nous tous et peut-être aussi de ce qui se passera…
C’est peut-être sur cela, ce film… Un film sur une caméra, au moment de l’achat de laquelle il était difficile d’imaginer devoir s’en séparer dans la patrie de Federico Fellini… Un film sur le pays auquel je dû dire adieu encore beaucoup plus tôt qu’à la caméra… Un film sur une génération qui, à l’époque de l’achat de la caméra, ne se reconnaissait pas encore comme telle…

Film sur un film inachevé ; tentative de comprendre sur quoi, en réalité, portait ce film inachevé… Peut-être la tentative de le terminer…

 

            P.S.     Nous ne filmâmes pas « anniversaire, pique-nique, mariages ». Nous filmâmes le « cinéma »… En 1985, nous avons choisi de célébrer les 90 ans du cinématographe mondial en organisant le « Premier Festival International de Nos Films à Nous »… Pour cette occasion, il convenait de tourner un certain nombre de films… Un travail actif a débuté sur trois « projets »… Vers le 28 Décembre, le film dont l’auteur est l’actuel banquier était complètement achevé… C’était un film, dans un certain sens, sur la liberté… L’œuvre mystique de l’actuel avocat n’a pas été monté, mais les éléments ont été tournés… Moi, je pourrai tourner une petite partie du mien… Mais achever le tournage, aujourd’hui, ne serait pas facile, d’abord parce que le personnage principal n’est plus en vie…
            Peut-être est-ce pour cela qu’on y pense si souvent ? … Ou simplement qu’on voudrait voir tout ce film, ce film dont on a tant parlé ?…

Alexandre Balagura, Tagliacozzo, Novembre 2004

 

 

GI.E. Meichler/Lgm, 29 rue Faidherbe 75011 Paris

                                           
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